Urgences, le retour de la revanche
Bon alors je suis dans le couloir, sur mon brancard, au milieu d'autres malades qui attendent, comme moi, sur leurs brancards. C'est pas cool, entre la vieille qui gerbe, le mec qui veut absolument montrer à tout le monde son infection cutanée, celui qui essaye de s'arracher la perf parce qu'il en a marre d'attendre, tu regrettes un peu de pas être restée chez toi, finalement.
J'envoie des sms en douce cachée sous ma chemise, je suis une vraie rebelle, et souviens-toi, s'il te plait, qu'il vaut mieux être belle et rebelle que moche et remoche. On m'emmène en radio, le préparateur grommelle qu'il na pas eu les résultats de ma prise de sang, c'est quoi ce bordel, comment je sais si elle est enceinte, moi, la patiente, fait chier. "Je suis pas enceinte" "comment vous pouvez en être sûre ?" "parce que mes règles se sont terminées hier et qu'accessoirement j'ai pas niqué depuis...voyons...31mois, mon mari et moi étant pour l'abstinence après le mariage, oui Raph est une erreur d'appréciation" "ouais, on dit ça" "ben ouais on dit ça" "bon ben enlevez votre soutien-gorge, le TS c'est pas la peine, vous pouvez le garder" ah ben bien, et pourquoi donc, môssieur le préparateur radio, je ne pourrais pas te montrer mes seins, hein ? Ils ne sont pas assez bien pour môssieur, c'est ça ?
Et surtout, surtout, avec une perf plantée dans le bras, je fais comment pour enlever mon soutif sans enlever le TS ? Ben je me démerde, apparemment. Enfin bon, il me radiote, je retourne sur mon brancard, dans le couloir, où la mémé a encore de quoi gerber, très bizarrement, mais où va-t-elle chercher tout ça? J'ai le soutif qui pendouille au tube de la perf, le jean déboutonné, soif et faim, à ce stade de la compétition, on m'a fait un TV, un TR (mais pas avec le même doigt)(j'espère) une petite pipe et au lit une prise de sang et une radio et j'ai toujours pas eu d'antidouleur alors que, je le rappelle, je suis là parce que j'ai mal au ventre.
L'infirmier revient me voir "on a bientôt vos résultats, ça va ?" "nan j'ai mal" "ah bon, où ça ?" "DTC putain" T'y crois, ou quoi ?
A 22h30 un chirurgien m'annonce que ma prise de sang est normale, me tâte le front "mais vous avez de la fièvre et moi je meurs de froid" (copieur) ah ben oui, sans blague, c'est pas écrit sur mon dossier ? Vous avez mal si j'appuie là, demande-t-il en en se laissant tomber sur mon ventre. Où donc, l'ami ? J'ai rien senti. DUCON.
Sa collègue arrive "vous avez mal si j'appuie là ?" Vous avez un problème ou bien ?! ça va pas trop dans vos têtes, bande de sadiques ? Vous essayez quoi, de m'opérer d'une péritonite ? Elle peut pas demander à son pote si ça me fait mal, la confiance règne on dirait.
Bref, on décide que j'ai une appendicite (ah ?) et qu'on va m'opérer. Puis finalement, on se dit que non, on va d'abord me faire faire une échographie, au cazou. Je retourne dans le couloir poireauter. La vieille continue de dégueuler. On m'emmène en salle de radio. On éteint la lumière et on se casse, merde, on m'a oubliée. Ah non au bout de 20 minutes, un type arrive "désolé, j'avais un poly trauma à côté" Bon alors, et d'une on a pas élevé les cochons ensemble donc tu me parles mieux que ça, ensuite c'est pas la peine de me faire remarquer que mon cas n'est pas intéressant, j'avais pigé ça, déjà, gros nase et si tu es nase, arrête, je sais je l'ai déjà faite.
Monsieur cherche mon appendice. Ne le trouve pas. Appuie comme une brute là où ça fait mal "ça fait mal, là ?" (z'ont un problème dans cet hosto). Ne voit rien. Appelle sa collègue. Qui cherche mon appendice. Et ne le trouve pas. Qui cherche mon caecum. Et ne le trouve pas. Qui appuie comme une sourde là où ça fait mal "ça fait mal, là ?" à ton avis grognasse, le fait que je me plie en deux en criant aïe, ça veut dire que j'ai mal, ou pas ? Finalement, trouve mon appendice, mais pas en entier, cherche et recherche, toujours en appuyant. Appelle le chirurgien qui lui dit que c'est pas grave, il fera avec. ah ok.
Du coup, ils se cassent, en éteignant la lumière, c'est une manie, c'est pas possible. Au bout d'une demi-heure, on m'emmène dans une petite salle et on me dit de me déshabiller pour enfiler une blouse magnifique, en papier pelure (on dirait) un truc des plus sexy, transparent à souhait. Un jeu d'enfants, avec les perf (j'ai finalement eu l'antidouleur) soit-dit en passant. On me prend tous mes biens (sauf mon portable que j'ai caché, mais c'est con, parce que j'ai plus de batterie) et on m'emmène à mon mari éploré.
Et là, alors que je n'ai toujours rien bu, rien mangé, que je suis à moitié à oilp au milieu d'un couloir, on vient m'annoncer qu'on a pas de place dispo, qu'on cherche un hôpital qui pourra m'opérer. Ben voyons les loulous, en attendant je fais quoi ? J'attends là. je peux boire quelque chose ? Ah ben non au cazou (toujours).
Donc je suis dans le couloir, à côté de, je te le donne en mille, Emile, la vioque qui gerbe et une autre meuf qui pleure. De temps en temps on vient me tenir au courant des derniers hostos qui m'ont refusée.
A 1h15, ils se résignent : on ne se débarrasse pas de moi comme ça. On va m'opérer, mais demain, en attendant je vais aller dans une chambre (ah quand même). Je peux boire ? Ben non, toujours pas, putain.
Finalement, on m'a opérée à 15h le jeudi, j'ai pu boire et manger à 9h le vendredi, si tu comptes, ça fait 60 heures sans manger + l'ablation d'un appendice, ben tu le croiras ou pas, j'ai pas perdu UN GRAMME.
La vie est trop injuste.
Ah et pour ta culture, sache que si les deux échographistes échographes qui m'ont fait l'échographie n'ont rien vu, c'est parce que c'est le bordel, là dedans. Je n'ai rien à la bonne place, ça s'appelle un mésentère commun incomplet (c'est là que tu te cultives, mais si tu crois que je vais te mettre un lien, tu te plantes, tu veux pas que je te mouche aussi ? cherche sur google, t'es assez grand), du coup, le chirurgien m'a incisée en bas à droite, alors que mon appendice était vers mon nombril, il a du farfouiller pour le trouver, je te dis même pas comment tu douilles, ensuite (vive la morphine et la codéine).